Les gisants…
Les gisants… de la Basilique Saint-Denis
Ils dormaient sous les fleurs, l’âme en paix.
Les corps disparaissaient sous un linceul
De gerbes de roses et de lilas blancs,
Toute une neige amassée de pétales blancs,
Où des jacinthes avaient coulé et s’effeuillaient,
Dans un rayon d’or épanouissant les fleurs coupées.
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Où sont les gisants? Ils sont devenus l’obsession de notre visite de la Basilique Saint-Denis… et surtout, où est la reine décapitée, Marie-Antoinette et son époux Louis XVI ? Où est Saint Denis lui-même avec sa tête sous le bras ?
Elle surgit devant nous avec une aile pansée, en restauration… en face d’elle la mairie flambante et une foule de gens aux drapeaux rouges.
La mairie, fièrement dressée… devant laquelle s’agitent les drapeaux de Force Ouvrière FO, une manifestation ? Pardon… un mouvement social ?
Nuance, chers amis ! La langue française est inventive quand il s’agite de créer une nouvelle terminologie suave… et moins choquante ; Manifestation, grève… quel horreur, mouvement social, c’est presque royal !
Ce n’est qu’un interlude …
Les mains jointes au ciel
Dans un geste éternel,
Le regard tourné
Dans leur corps pétrifié
Où la vie ne lutte plus que…
Dans un dernier mouvement
De leur robe arrêté…
Voici la nécropole des reines et rois de France !
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À l’intérieur, la basilique est immense… überwältigend… il faut la chercher cette Basilique à Saint Denis avant qu’elle ne se montre tout un coup au milieu d’une place désuète et grise, entourée d’insignifiantes maisons, de Cafés ou Restaurants aux noms retentissants… « Le Roi d’or »…
Ah ! Les veilles racines de la monarchie percent toujours les chaussettes du pèlerin, ici dans de ce pays… toujours si fidèle et fier de ses reines et rois, même décapités… de son passé monarchique, sa nostalgie heureuse à admirer, afin de satisfaire son culte de personnalité…
De la poussière royale? Où ? Quoi une femme de ménage ose brandir son torchon contre la poussière royale qui assaille leurs gisants, leurs rois défunts ? NON ! C’est une technicienne de surface, ou peut-être déjà une ballerine ! Qui sait ? Mais cela sonne mieux ; les jeux de mots émergent déjà depuis le berceau, adoucissant les expressions populaires en y mélangeant… des sophismes à volonté !
Saint Denis, le martyr, le voilà, portant sa tête sous le bras… enfin dans ses mains… Il s’est avancé jusqu’ici ! C’est un saint homme ! Il est à l’affiche… croit-on à cette légende ? Un doute reste ! Mais on s’incline néanmoins… il fait peur, franchement peur !
Mais où sont les gisants ?… demandent les yeux du visiteur, aveuglés par la lumière du jour encore, se glissant dans l’obscurité régnant dans la basilique… à la découverte des gisants, sculptés les yeux ouverts, aux grandes compositions de la Renaissance, associant la mort à l’espoir de la résurrection. La plupart des Rois et Reines de France y sont enterrés dès le XVIe siècle. Viollet-le-Duc l’a restauré au XIXe, et elle devient cathédrale depuis 1966.
À travers les vitraux royaux jaillit la lumière de toutes ses couleurs, faisant danser des taches bigarrées et espiègles au-dessus des visiteurs littéralement inondés d’impressions.
Sous cette immense hauteur des nefs… des arcs et croisées… l’homme s’est construit un temple afin qu’il en sente la grandeur et tout le poids qu’il a donné à son dieu, lui, le petit et misérable être humain !
Espérons que sa foi soit à la hauteur de ses constructions, il y plane souvent un doute… comme ce pigeon blanc, perdu sous la coupole, qui à force de croire y a fait son nid, sage oiseau, dans la maison de dieu il élèvera ses petits… si l’homme méchant n’arrive pas avec son faucon sur le bras… pour le chasser !
Dans la pénombre nous les trouvâmes.
Marie Antoinette et Louis XVI,
Transis de marbre, face à la lumière,
Ils sont à genoux priant pour leur âme;
Le couple royal au royaume éphémère,
En pleine jeunesse, un jour funeste,
Le bourreau du roi leur trancha la tête…
Depuis ils s’inclinent,
Face à leur peuple,
Réconciliés et immuables ;
Cruel temps que celui de l’histoire
Pour ceux qui ne purent échapper
À la veuve noire…
Marie Antoinette en fleur, au hasard,
Jolie et inconsciente du danger du pouvoir,
Ne pensait qu’à vivre son rêve de princesse,
Oubliant qu’il fallait régner avec son époux royal.
Le peuple déchainé ne leur permit pas de vivre,
Ils furent emportés par la fureur de l’histoire…
Il reste des traces de leur royaume,
Dont les couronnes et sceptres
Ne sont qu’un maigre baume
Pour les cœurs éteints bien trop tôt,
Rappelant à chacun son pénible lot…
Des rois et des reines au visage bien lisse ;
Et les dieux leur sourirent sans qu’ils le vissent.
Auraient-ils plongé leur aveugle fureur
Au tombeau tourmenté par leurs songes qui demeurent ?
Là où se dessine un sourire à peine visible
D’une béatitude presque indicible,
Caché derrière un voile pudiquement,
Ne saurait être un humble prélude,
Quand temps mesure les profondes blessures…
Le trésor où dansent des couronnes et des sceptres
Où l’on fait oublier la présence des spectres.
Des écussons sur des manteaux brodés,
Le métal d’une arme ou d’un gant doré,
Ils représentent le pouvoir emprunté aux dieux
Qui veillent jalousement sur les hommes si pieux,
Tout cet or convoité pour une vie éphémère
Dont l’éclat suffirait à aveugler les hommes,
Et ne leur confère qu’un pouvoir voué à l’abandon,
Des robes prestigieuses, des armures étincelantes,
Des étoffes magnifiques, et des armes tranchantes.
Comme une conscience divine…venant d’en haut
Des pans de lumière franchissent les vitraux
Tranchant la pénombre de la nef jusqu’au sol
Où les couleurs dansent une farandole…
Ils gisent calmement dans leur stupeur royale,
Sur un champ de linceul fait de marbre glacial.
La lumière a cessé de les éblouir,
Le vent a effacé les derniers sourires…
Portés dans l’au-delà par un souffle froid…
Seuls, ils entament un long voyage
À travers les astres d’un autre âge,
Où brillent des lumières depuis longtemps éteintes
Ressemblant à une sombre et dernière étreinte.
Un chien couché aux pieds de son maitre,
Fidèle à sa race et ami de l’homme,
Fermant ses yeux et croisant ses pattes,
Il est tout à son image sans le paraitre…
Leur sommeil impénétrable
Aux astres égarés
Ne contient ni rêves
Ni d’autres chimères.
Nul son qui pénètre
Ne pourra réveiller
Ceux qui ont quittés
Leur royaume pour la nuit…
Un coussin de marbre
Soutient sa tête dans cette pose figée
Si calme, l’air heureuse,
En robe de dentelle
D’une mélancolie rêveuse.
Sans une fièvre
De la chair ni du cœur,
Enfoncée dans son silence,
Elle se laissa baiser ses pieds…
Des milliers de cierges et voix célestes,
Odeurs suaves et de roses blanches…
Au milieu du deuil crépusculaire
Se profile un catafalque,
Assombri à travers quelque flamme invisible.
Dans l’effacement de tout ce qui l’entourait
Elle n’eut aucune révolte
Devant ses mains tâtonnantes
Que le désir égarait comme un sanglot dans l’ombre,
Où le souvenir de sa jeunesse demeurait encore.
Mais ce ne fut qu’un frisson
Dans une clameur prolongée…
Gisant comme sur un lac dormant
Où courent encore de longs frissons,
Ils agonisaient là, à jamais raidis.
La figure enfoncée dans des étoffes et des plis,
Elle exhale sa tendresse
Auprès du chevalier endormi…
Deux pieds de neige
Appuyés sur un lion,
Et une flamme éclairant
La chair rose pâmant…
Ces corps expressifs, si humain et fiers,
C’est la matière du marbre qui la leur confère.
Presque encore vivants, dans une pose nonchalante,
Ils attendent la grâce, presqu’insouciants,
Depuis… qu’a sonné le glas…
Quand les flammes des cierges s’allongent
Avec l’appel de leur ardente tendresse,
Le cœur est plein de présence
Et l’âme déborde de ses grâces…
En toute finesse et dentelles creusées
Elle prie son dieu, les mots pesés,
Ses mains jointes sur sa gorge couverte,
Son corps paraît déjà inerte…
La crypte archéologique de la Basilique contient les tombeaux les plus anciens du monument…
Dans cette crypte silencieuse
Parfois une lumière à peine
Enflamme un visage,
Où un ange se montre d’un autre âge.
Il y règne un silence
Qui rajoute au mystère.
L’haleine retenue,
Les sens en éveil,
On goûte ce moment
De plénitude…
Revenez nous voir quand je laisserai choir
Le dernier voile offrant ma beauté,
Malgré les blessures de mon cœur broyé…
N’oubliez pas de faire votre petite prière… les anges veillent sur vous !
Les admirateurs peuvent emporter… des objets sacrés ou tout autre auxquels ils peuvent vouer un culte….
Un chant lointain et assourdi se fit entendre
Au milieu des grands bouquets de roses
Qui se meurtrissaient
En exhalant leur dernier parfum
Pour ceux qu’ici pour toujours reposent…
Ton regard
Est de marbre,
Aveugle et froid,
Il ne réagit plus
À aucun appât.
.
Il est tourné
Vers ce monde silencieux
De glace et de nuit
Où meurent les paroles
Et même les bruits.
.
Tes paupières closes
Se cachent derrière
Des pétales de roses,
Les larmes de cette mer,
Qu’une vague emportera
Déjà au loin,
Disparaissant à jamais
Mais n’oubliant rien…
.
Oeil von Lynx Paris 08/01/2014
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