« La villa Palagonia ou la villa des monstres »

La villa Palagonia ou la villa des monstres

“La villa dei mostri”

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La Villa Palagonia à Bagheria en Sicile

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Ou « le Triomphe de la mort »

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La villa des monstres, c’est l’histoire du prince de Palagonia, Ferdinando Francesco Gravina, pour qui  les architectes Tommaso Napoli et Agatino Daidone réalisèrent en 1705 la villa Palagonia , à 15 km à l’est de Palerme.

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D’une architecture surprenante dont le jardin est orné de statues monstrueuses représentant des êtres difformes et grimaçants,  des gnomes et des animaux fabuleux, et d’horribles créatures lubriques mi-hommes, mi- bêtes.

Un miroir déformant le monde baroque, artificiel et poudré de son temps, une parodie ironique du monde grotesque qui l’entourait, témoin de la vie tragique en Sicile, la beauté convulsée sous un soleil funèbre !

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En visitant ces lieux mystérieux où la présence de l’œuvre du prince  de Palagonia est omniprésente qui,  il y a deux siècles avait inventé une image de  l’homme  dérisoire en ornant de monstres la villa de Bagheria, bien avant que ne fût apparue et fabriquée la première marionnette dont le spectacle capte toute l’attention des siciliens, surtout  à Palerme.

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À l’entrée principale se dressent toujours deux gargouilles aux gueules béantes qui servaient à éteindre les torches des valets de pied.

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Un escalier flamboyant mène au « paino nobile » dont le plafond est tapissé de miroirs , où le prince donnait des bals masqués et où des singes déguisés en musiciens se promenaient parmi les invités ; on y voyait des chaises aux pieds sciés et des sièges plantés de clous pointus, aujourd’hui disparus.

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Sur la porte le prince a fait graver cette devise : « Regarde-toi dans les glaces et contemple l’image de la fragilité humaine. »

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Ce grand salon dont le plafond est couvert de miroirs disposés de telle sorte que le visiteur s’y voit multiplié à l’infini, en levant les yeux, attire indubitablement l’intérêt; on a l’impression de voir sa propre image volée en éclats ; un  bel effet de ce palais de glaces, malheureusement déjà un peu terni par le temps, et difficile à rendre sur une photo, car aujourd’hui le temps a abîmé l’éclat des miroirs, vieillis  à force de renvoyer à Narcisse son image obsessionnelle. Est-ce la pudeur qui a fait obstruction ?

L’impression de la démesure est partout !

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Cette curieuse villa de Bagheria abrite les plus étranges et fascinants monstres sortis de l’imagination débridée du prince, formant un tableau féroce de l’humanité, et non sans raison, si l’on regarde de près leur vie :

On dit, sous influence de ce tribut de monstres, que la femme du prince accoucha un enfant contrefait ; ce deuxième petit prince, qui était donc nain et bossu.

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D’autres prétendent qu’il était très jaloux, d’où peut-être la malheureuse inspiration du Prince, et voulait terroriser sa femme, que les monstres devaient l’effrayer et l’empêcher de s’enfuir, ou même repousser un éventuel amoureux. Personne ne saura la vérité.

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Sauf… que ce témoignage d’un autre temps est entré dans l’histoire et a rendu célèbre la villa Palagonia !

Dans la catégorie fantaisiste ou plutôt surréaliste aujourd’hui, elle attire et comble la curiosité des visiteurs surpris et interloqués devant ces réalisations d’idées saugrenues.

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On pourrait reconnaître en eux des créatures magiques, dont la nature ne se confond pas avec la simple espèce humaine, mais qui déborde sur le règne animal, auquel elle emprunte un peu cette force obscure qui palpite sous la fourrure des bêtes.

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Cette apparente absurdité  fait penser à un tableau représentant trois cochons en train d’égorger un boucher ; ou des oies occupées à rôtir le cuisinier, ou un cortège de lièvres, de chevreuils et de loups portant en grande pompe au cimetière le cercueil du chasseur ! Le monde à l’envers ! Renchérissant en absurdité afin de douter de la solidité des apparences. On reste ébahi !

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Se promenant dans le vaste jardin qui entoure ce petit palais, on découvre, de monstre en monstre, les errements obsessionnels et grotesques de l’imagination du prince. L’impression qui s’en dégage n’a d’égal que celle que l’on ressent en regardant  la galerie des spectres dans les catacombes des capucins de Palerme !

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On croirait voir un asile baroque aux frontières du génie et de la démence ; aux traditions séculaires ; s’inscrivant jusque dans la morphologie,  caprices d’une aristocratie décadente où les hommes sont reliés aux plantes et aux bêtes par des complicités magiques et ne sont plus sûrs de posséder une identité distincte, absolue, et d’appartenir à un sexe déterminé.

L’esthète pourrait leur reprocher de symboliser, par leur anomalie, toutes les tares d’une aristocratie décadente, les extravagances de la classe oisive, ses mœurs licencieuses et sophistiquées. Pourtant ce témoignage est précieux aussi, comme la sculpture baroque qui prédomine partout.

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Le mur d’enceinte est surmonté des statues absolument grotesques ; des corps  à trois têtes, une vieille à cheval sur un dragon et bien d’autres, toutes dans des états extatiques, parfois aux yeux révulsés vers le ciel… et d’autres déformations bestiales dont l’expression fait penser à Goya !

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Le fantastique frappe le visiteur, mais demande aussi une explication, sa source, venue  du réel…

Le prince semble avoir vécu dans un monde poétique de fantasmes, fait d’ironie, de persiflage et d’amertume, qui nous interrogent sur la raison de vivre et la fatalité du destin humain.

De ces créatures dramatiques, sur les sombres remparts où stagne le cauchemar, se dégage une vague atmosphère absurde et étrange ;

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Peut-être, pour échapper à la « jettature », au mauvais œil ici, il faut tripoter sa gousse d’ail au fond de sa poche, et ignorer les lumières de la rationalité ?

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Car, comment éviter les pièges de la superstition et les impostures de la sorcellerie autrement? Ici on peut se mesurer au regard avec les monstres, croire aux forces occultes, les prendre au sérieux ou en rire !

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fin