« Lambeaux de souvenirs »

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« Lambeaux de souvenirs »

Nous sautons joyeusement dans la nuit pour oublier le jour, la clarté avec ces fureurs et angoisses, car la nuit, de l’autre côté de la barrière, tout est miraculeusement permis !

Alors nous tissons, nous rêvons, et le sommeil nous révèle une autre face de nous qui est notre masque, et qui anticipe aussi la mort. La nuit, là où nous pouvons enfin être nous. Dormir, c’est un peu mourir au monde et renaître à une autre existence, là où nul regard ne peut nous atteindre.

Pendant nos rêves nous essayons désespérément de réunir les lambeaux de nos souvenirs dans une vaste image de bonheur, reflet de notre vie, surtout celle derrière nous ; et les meilleures, évitant ces lambeaux de malheur qui oseraient s’y glisser ; à chacun sa capacité d’abstraction de mémoire et de tolérance qui nous incombent afin de nous constituer le miroir du temps, celui de notre parcours… aussi fidèle que possible.

Vaste entreprise d’introspection « honnête », si je puis dire, car nous aimons bien tricher et de ne nous souvenir que de notre bonheur vécu, de l’amour donné ou reçu. C’est un peu tirer le diable par la queue ; mais cela fait plaisir, non ? Le diable aime être sollicité, il a aussi sa vanité, et doit se moquer bien de nous !

Sur cette terre où l’absurde et l’interrogation sur l’être sont rois, se disputant les prérogatives de l’hilarité et la dérision, il faut une sacrée force mentale pour l’accepter.

Et nos chers lambeaux de souvenirs? ; de quelle robe pourrions-nous nous parer, une fois que nous les avons retrouvés et réunis ? Peut-être qu’elle n’aura que l’aspect d’une peau de chagrin ?

Dans ce monde où l’amour n’a pas toujours le goût du paradis, dont le temps a corrodé et poli le visage, où toute passion se dissout par l’acide de la réflexion ; manière comme une autre de la dominer et d’en détruire à la fois l’empire et la souffrance, chauffé par les flammes qui peuvent bien provenir de l’enfer.

Dans quel monde vivons- nous où règnent toutes ces contradictions, la joie comme l’amertume, le rire et les larmes, beauté et laideur se disputant sur la scène des faux semblants , s’y mêle l’ambition et ses dérivatives entre échec et la gloire, applaudi ou maudit, qui, tôt ou tard vous rattrapent par la dérision, dans laquelle sombre surtout la vanité de nos entreprises, et où le sérieux s’y noie avec délectation, pendant que la grande farce immortelle continue tant dans sa magnificence que dans ses formes abjectes, et seul le rire peut sauver l’intelligence dont nous nous réclamons haut et fort, et parfois à tort, pourrait être considérée comme remède contre toute cette morosité camouflée sous son meilleur apanage, accompagné par le ricanement des étoiles qui poursuivent tranquillement leur chemin au-dessus de nous, sans s’inquiéter de nos rocambolesques agitations et enfantillages.

Que dire de ceux qui nous sont fidèles et de ceux qui nous trahissent ? Quelle importance recèle encore cette interrogation, d’y penser même ? Le souffle chaud ou froid qui nous frappe, selon les contingences qui nous font ombre, nous réchauffe juste ou nous glace l’âme, inutile d’en demander la température.

Notre cœur et notre corps entier savent résister presque à tout affront, à toute joie ou déception. Ceci amène quelques réflexions sur ceux qui nous quittent définitivement, nous demandant de porter le deuil et de ne pas les oublier dans leur sombre royaume…

Lorsque nous perdons un être aimé, nous sommes inconsolables, car l’ange de l’espérance nous a abandonné, et le néant semble s’ouvrir pour nous engloutir. Et que deviendrons-nous si nous ne pouvons plus jeter dans notre cœur ce feu qui nous manque ?

Ceux qui ne reviennent jamais et auxquels nous avons consacré nos plus intimes attentions, notre joie et notre amour, souvent aussi nous leur avons abandonné notre cœur et qui sont partis, d’une façon ou d’une autre, nous laissant dans un désert, face au miroir du temps qui aura oubli notre image, gommée de son éclat éphémère tout écho d’une existence, relégué parmi les âmes mortes qui vogueront désormais parmi le monde avec des yeux d’aveugles, dans un désarroi sans nom.

Les fibres qui les reliaient à la vie se seront pétrifiées, insensibles membranes appartenant à l’oubli et à la prostration, reliques d’un tombeau vivant qui ne retient qu’un faible souvenir d’un bonheur perdu, errant d’ores et déjà parmi les fantômes de ce monde en perdition, car la chose qui manque à notre bonheur : c’est la certitude qu’il durerait toujours, qu’il reste la plus tenace illusion des hommes.

Mais ceux qui partent pour toujours dans des sphères inconnues de nous nous permettent au moins de les accompagner de nos plus chaleureuses pensées.

Par contre ceux qui nous perdent, vivants, nous laissant dans un désarroi douloureux, le cœur brisé et l’âme en déroute, le corps morcelé , impuissant de lutter, font notre plus grand malheur , car en nous quittant ils nous renvoient à nos pauvres illusions désabusées et d’avoir cru au bonheur, nous condamnant de vivre sur les vestiges de nos passions mortes, les mains pleines de sang de caresses inutilement donné .

Ils font partie de ces rares amitiés amoureuses, mais qui existent, entre les sexes opposés, si j’ose dire, et lorsqu’ils sont empreints d’amour, à notre insu, et cela est parfois inévitable, et reste inassouvi, le trouble s’installe et amène la souffrance. Que faire d’un cœur qui déborde, un cœur blessé perdant sa sève, qui exhale sa tendresse et finit par se dessécher ?

L’amour nous dépossède de tout ce que nous sommes ou croyons être ; devant l’être aimé nous nous trouvons dénudés sans défenses. Ce qui porte le cœur le mieux trempé à ne souhaiter plus rien que l’abdication, l’oubli, le sommeil… et le sentiment du temps qui passe, anxiété délicieuse de l’instant.

Alors, parfois, il est plus sage de quitter l’être que vous aimez lorsque vous n’êtes pas aimé en retour, ceci pour mettre fin à une souffrance insoutenable, quand la blessure est trop vive, comme celle d’un poignard dans le cœur.

Cette rupture seule peut vous sauver de sombrer, d’anéantir votre force de vie, celle de la création aussi, et si vous y perdez aussi le RIRE, alors, vous risquez de vous abîmer dans une vallée de larmes, qui emportera l’amour perdu dans une prison de glace et d’oubli derrière un mur de silence ; une âme morte à elle-même désespérée et éteinte à jamais, dans un voyage d’où l’on ne revient plus.

Maintes fois nous avons traversé ce pont, ce fil fragile, entre la vie et la mort, dans notre vie, en somnambule, sans y penser. Seul le réveil brusque amène la chute irréductible qui nous précipite à jamais hors de ce monde, là, où l’inconnu vous guette, que nous essayons de nous expliquer, pudiquement, avec nos pauvres mots aveugles, quand nous balbutions d’incompréhensibles hypothèses sur la destinée, le paradis ou l’enfer, que notre ignorance accueille froidement sans concessions.

Vous pouvez aussi vous coucher sous la voûte nocturne, contempler le firmament et attendre la mort pendant que le monde suit son chemin avec bruit et fureur, vous plonger dans les étendues de votre solitude intérieure où nous régnons sur notre royaume avec sérénité… au lieu de vous affoler !

Alors, pour être guéri de tout excès, du désespoir comme de l’extase, riez, et vous êtes sauvés !

FIN